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25/06/2022
Le film est sorti depuis un bon moment et je l'avais laissé de coté mais j'ai profité d'un rattrapage cinéma - 6 films dans la journée - pour le caser dans ma programmation et je n'ai pas regretté une seconde ce détour du côté du Bhoutan.
Le titre original " Lunana : A Yak in the Classroom" est plus proche de la réalité que sa traduction française mais ne chipotons pas ! L'histoire est celle d'un instituteur (pas sûr qu'il prenne mal le fait que j'utilise cette ancienne formulation !) qui n'a pas trouvé sa place après quelques années d'exercices. Il voudrait quitter le métier mais se retrouve obligé pour des raisons contractuelles à partir enseigner dans l'un des villages les plus reculés du pays. Le résumé me faisait craindre les gros clichés mais j'ai été agréablement surpris et parfois touché par cette belle histoire.
"Les professeurs aujourd'hui doivent avoir la vocation !" ? Discours répété ad nauseam depuis un moment, qui va de pair avec des conditions de travail dégradées et un salaire qui suit la même pente. Cela n'empêche pas l'ensemble de la population de commenter une des rares situations que tout le monde semble être capable d'exercer, que tout le monde pense connaître, tout cela parce que pendant 15 à 20 chacun a pu expérimenter le système scolaire français.
Les 18h de cours par semaine (enfin 20 aujourd'hui et sûrement plus dans le futur) qui laissent penser qu'on se tourne les pouces le reste du temps, les vacances scolaires qui font tant rêver, ... et souvent un certain ressentiment envers un système qui, sous couvert d'égalité, broie les élèves pour les faire rentrer dans un moule (80% d'élève au bac pour Jean-Pierre Chevènement, en 1985 ; 60% des élèves à la Licence pour François Hollande en 2016) puisqu'il ne faut "pas trier les élèves".
Vœux pieux quand on parle d'inclusion sans moyen et quand l'éducation nationale essaye de se faire respecter en dévoyant un des plus jolis mots de la langue française (la fameuse "bienveillance"), les grands pontes voulant abolir la note mais ne pas casser le thermomètre du pourcentage de réussite censé montrer qu'ils ont bien fait leur travail puisque les taux de réussite d'une année sur l'autre suivent une courbe ascendante depuis 25 ans
Les professeurs sont taillés en pièce dès qu'ils sont exigeants et on vous sortira la "constante macabre" dès qu'une classe aura 9 de moyenne sans chercher si d'autres classes du même niveau avec le même professeur ont 14 de moyenne ! On ne sera pas choqué de lire une moyenne de 17 en technologie ou en éducation musicale, on ajoutera une note de chant choral qui aura le même coefficient que le français ou l'histoire-géographie, on ajoutera des oraux qui seront évalués par des professeurs connaissant les élèves (et harmonisés, toujours à la hausse, par la direction qui gère le collège de ces élèves). Bref, on fera tout pour ne pas donner aux élèves l'envie de travailler et les récompenser pour ce manque d'effort.
Le film montre exactement l'inverse, avec le portrait d'un village qui attend avec impatience le nouveau professeur chaque année, des élèves qui ont envie d'apprendre, de découvrir autre chose que la manière de cueillir des fleurs ou de garder les yaks, des adultes qui ont une vision de l'école ultra positive et qui feront tout pour mettre le professeur dans les meilleures conditions.
Dans cette configuration, peut on s'étonner que l'adulte (et j'insiste sur ce mot car professeur ou non, qui n'aurait pas envie d'aider ?) ne se sente pas de repartir 3 jours après être arrivé ? Si l'on peut regretter le côté romancé (car ça ne doit pas être évident tous les jours !), il n'empêche que le scénario ne cherche pas à raconter un conte de fées et j'ai bien aimé les conversations entre le chef du village et l'instituteur. Des moments simples mais beaux, dans un film qui passe par un chemin très balisé mais qui ne cherche pas le happy end à tout prix et laisse le spectateur choisir la suite à donner à cette histoire.
Je ne sais pas comment des enfants recevraient ce type de film mais je me dis qu'il ferait du bien aux professeurs qui en ont ras le bol d'être les punching-balls d'une institution qui leur demande d'être parfait tout en ne faisant rien pour les aider (le fameux "ah mais le nombre d'enfants dans une classe n'a de conséquence que sur le ressenti du professeur, pas sur les résultats de ces derniers" !). Rien de révolutionnaire en somme mais une bonne dose de "sens" à mettre dans un métier qui le perd de plus en plus.... rien que pour cela, cette école du bout du monde mérite d'être dans votre liste de film à voir ;-)
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